Nouveau mélodrame dans le monde feutré de la finance italienne. L’assureur FonSai était supposé passer sans anicroche des mains de la famille Ligresti à celles de son concurrent Unipol, en vue d’une fusion devant donner naissance au numéro deux du secteur en Italie, derrière Generali. Mais voilà qu’un gros grain de sable s’est glissé dans le dispositif. Le holding d’investissement Palladio Finanziaria a profité du cours particulièrement bas de FonSai pour acheter des titres. Il a franchi la barre de 2 % du capital la semaine dernière et a annoncé hier soir détenir 5 %. Le marché s’y attendait car l’action FonSai avait pris plus de 18 % lundi, sur des volumes d’échanges exceptionnels. Hier, le titre a été un temps suspendu, après avoir bondi de plus de 7 % en début de séance. Sur un mois, il a gagné plus de 140 %. Autre coup de théâtre, hier soir : le fonds d’investissement Sator, dirigé par Matteo Arpe (ancien patron de Capitalia), a déclaré avoir acquis de son côté 3 % de FonSai, après avoir échoué à s’emparer de Banca Popolare di Milano l’automne dernier.

Les deux investisseurs, Palladio et Sator, ont révélé agir ensemble au travers d’un « pacte », « dans l’intérêt commun de recapitaliser » FonSai. On leur prête l’ambition d’arriver très vite à 10 %, voire 20 % du capital. Ils pourraient être soutenus dans leur offensive par d’autres partenaires. Si le français AXA avait été cité début février comme possible candidat, les opérateurs milanais évoquent maintenant le fonds Clessidra, le fonds 21 Investimenti d’Alessandro Benetton et deux actionnaires de Generali : le groupe De Agostini et Leonardo Del Vecchio, président de Luxottica. Si Palladio, avec Sator et d’autres, obtenait une minorité de blocage dans FonSai, la fusion avec Unipol risquerait de battre de l’aile. Une assemblée générale de FonSai est prévue le 19 mars pour entériner le rapprochement mais Unipol n’aura pas voix au chapitre ce jour-là, puisqu’il n’est pas encore actionnaire.

Conflits d’intérêts

En réalité, comme souvent en Italie, c’est dans les coulisses que la bataille se joue. Palladio compte Banco Popolare, Veneto Banca et Monte dei Paschi di Siena à son tour de table. Ces trois banques chercheraient à faire capoter la fusion FonSai-Unipol, car celle-ci doit permettre à UniCredit et Mediobanca de récupérer beaucoup d’argent, dans le cadre d’innombrables conflits d’intérêts. Lorsque Groupama avait été écarté du dossier FonSai il y a un an, UniCredit avait acheté 7 % de l’assureur pour 170 millions d’euros, et prêté à Premafin (holding de contrôle de FonSai), ainsi qu’à la famille Ligresti, l’équivalent de 330 millions d’euros. Quant à Mediobanca, elle a accordé des prêts subordonnés pour 1,1 milliard à FonSai, 75 millions à Premafin et 400 millions à Unipol.

Les dirigeants de Mediobanca, et surtout ceux d’UniCredit (premier actionnaire de Mediobanca) sont paraît-il furieux de la tournure prise par les événements. Il faut dire que leur projet engage des sommes considérables. Unipol doit se recapitaliser à hauteur de 1,1 milliard d’euros pour pouvoir prendre le contrôle de Premafin, à travers une augmentation de capital réservée de 400 millions. A la suite de quoi Unipol souscrirait à l’augmentation de capital de FonSai prévue pour 1,1 milliard elle aussi. Sous réserve, au final, que la Commission des opérations de Bourse l’exempte d’OPA sur FonSai. Et que l’Autorité de la concurrence donne son feu vert à ce montage pour le moins complexe.

CORRESPONDANT À ROME
Guillaume Delacroix