MARIE-JOSÉE COUGARDENRIQUE MOREIRA

LACTALIS VA FINALEMENT RAPPELER TOUS LES LAITS INFANTILES PRODUITS SUR LE SITE DE CRAON. SOIT PLUS DE 12 MILLIONS DE BOÎTES À REPRENDRE DANS 83 PAYS, SELON EMMANUEL BESNIER.
La crise chez Lactalis a pris une ampleur totalement inédite. Dans un entretien au « Journal du dimanche », son président, Emmanuel Besnier, est sorti de son silence. Il a précisé que le rappel de lait infantile auquel il va devoir procéder dans les prochains jours concerne « plus de 12 millions de boîtes », à récupérer dans pas moins de 83 pays. Les distributeurs n’auront pas à trier entre lots soupçonnés de contenir de la salmonelle ou non : « Ils savent qu’il faut tout retirer des rayons », précise le patron du numéro un mondial des groupes laitiers, d’ordinaire très réticent à faire la moindre déclaration publique.

Alors que l’image de qualité de l’agroalimentaire français à l’étranger risque d’être sérieusement ternie par cette affaire, le mea culpa d’Emmanuel Besnier ne s’arrête pas là : dans le même entretien, il promet d’indemniser « toutes les familles qui ont subi un préjudice » en raison de la contamination à la salmonelle. Ce qui ne sera certainement pas suffisant pour éteindre l’incendie. Selon Quentin Guillemain, le président de l’association des parents de nourrissons victimes, « le nombre de cas est beaucoup plus important que celui de 36, donné par Santé publique France ». Au travers des 3.000 mails qu’il a reçus, il estime pouvoir dire que « 200 enfants ont les symptômes d’une salmonellose depuis plusieurs semaines sans qu’ils aient été recensés comme tels ».

« Des centaines de familles ont d’ores et déjà porté plainte. Plusieurs autres centaines vont le faire dans les prochains jours », a martelé Quentin Guillemain. Contre Lactalis, mais également contre les enseignes de la distribution qui ont continué de vendre le lait, après le rappel annoncé par Lactalis.

« Il appartient aux magasins d’opérer les renvois »
Dès vendredi, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, avait annoncé que l’entreprise [reprendrait] « toute boîte de

lait infantile produite sur le site de Craon
». Et ce, « sans considération de date. Il appartient aux magasins d’opérer les renvois ». Une déclaration formulée à Bercy à la suite d’une rencontre avec Emmanuel Besnier. « L’urgence, c’est la sécurité sanitaire et la meilleure des garanties pour la sécurité sanitaire, c’est de dire que plus une seule boîte fabriquée sur le site de Craon ne doit être en circulation sur les circuits de consommation », a ajouté Bruno Le Maire.
Le ministre de l’Economie a également demandé à Emmanuel Besnier de « faire preuve de plus de transparence ». Il s’est engagé « à tout faire pour éviter que cela ne se reproduise dans l’usine de Craon. Les services de l’Etat sont à sa disposition pour l’y aider », a ajouté Bruno Le Maire. « La filière laitière française est une filière d’excellence. Elle doit le rester. » Selon le président du groupe laitier, au premier trimestre, « nous avons fait des travaux dans cette usine. A cette occasion, la bactérie peut avoir été réintroduite à l’intérieur des installations ».

Des cas à l’étranger
La crise n’est pas limitée au marché français. Vendredi, un cas de salmonellose a été identifié en Espagne. Un autre est suspecté en Grèce. D’autres cas risquent de se déclarer dans les prochains jours.

La question des salariés de l’usine de Craon (350 personnes) a également été évoquée entre les deux hommes. « Les 250 [salariés] qui sont au chômage technique seront indemnisés à 100 % de leur perte de rémunération », selon le ministre. Le site, où ont été produits

les lots de laits infantiles contaminés
à la salmonelle,
est à l’arrêt depuis le 8 décembre.
Jeudi, le ministre de l’Agriculture,
Stéphane Travert
, avait affirmé qu’elle ne rouvrirait pas « tant que les services vétérinaires n’auront pas identifié la source de la contamination ». Jeudi,
le président de la République,
Emmanuel Macron, ainsi que
le ministre de l’Economie s’en étaient déjà pris au numéro un français
des produits laitiers. « L’Etat a dû se substituer à une entreprise défaillante », avait affirmé Bruno Le Maire. Lactalis avait, toujours selon lui, refusé d’opérer les retraits de produits qu’avait demandés son directeur de cabinet.
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