SOLENN POULLENNEC

LE GOUVERNEMENT ENVISAGE DE FAIRE ÉVOLUER LES CONTRATS EN EUROS TRÈS PRISÉS PAR LES FRANÇAIS. L’ASSOCIATION D’ÉPARGNANTS AFER REDOUTE UN PROJET COMPLEXE, TANDIS QUE DE NOMBREUX ASSUREURS Y SONT FAVORABLES.
Après avoir été au coeur

des discussions sur la « flat tax » à l’automne
, l’assurance-vie fait de nouveau débat. Bien vues par les assureurs, les pistes avancées par Bercy pour faire évoluer les contrats en euros, format le plus prisé des Français, sont vertement critiquées par les épargnants et leurs représentants.
Largement investis en obligations, ces contrats ont beau être peu rémunérateurs, ils offrent une garantie en capital, contrairement aux contrats dits en unités de compte. Lundi, dans le cadre de la

préparation d’une loi au bénéfice des entreprises (dite Pacte)
, le gouvernement a soumis à consultation l’idée de modifier leur fonctionnement. Selon
la proposition avancée par Bercy
, plutôt que d’être offerte à tout moment, leur garantie pourrait être « minorée en cas de détention sur une durée limitée » et « bonifiée en cas de détention longue, autour d’une durée pivot de 8 à 10 ans ».
Cette proposition, censée « orienter davantage l’assurance-vie vers les placements longs et productifs », n’est pas vraiment une surprise. La création de « fonds euros bonifié », avec une garantie en capital modulée, avait été avancée dans

un rapport rendu
au gouvernement l’année dernière en vue de la préparation de la loi. « L’assureur qui risque de moins subir des retraits à tout moment va pouvoir investir davantage dans les PME », justifie l’un de ses auteurs, le député Modem,
Jean-Noël Barrot
.
Bien que peu précise, la piste avancée par Bercy hérisse l’Afer, la première association d’épargnants en France. C’est une « mauvaise idée » et un « projet complexe », aux dires de son patron, Gérard Bekerman. « Je préfère assurer la promotion de l’eurocroissance », a-t-il déclaré mardi.

Les contrats eurocroissance offrent une garantie en capital à partir de huit ans au moins. Lancés en 2014 pour alléger les contraintes des assureurs tout en offrant un bon compris entre rendements et risques, i

ls n’ont cependant pas obtenu le succès escompté.
Plus de souplesse pour les assureurs
Au contraire de l’Afer, plusieurs assureurs se disent favorables à l’évolution des contrats d’assurance-vie en euros. « La piste est bonne », estime le président de la Fédération Française de l’Assurance (FFA), Bernard Spitz, tout en faisant valoir qu’il y a plusieurs paramètres qui pourraient faire l’objet d’une bonification.

« Je suis favorable au fait de sortir de la garantie en capital annuelle, de la donner à une échéance, cela donne plus de souplesse à l’assureur et donc plus de chances de rendements à l’assuré », assure de son côté Patrick Dixneuf, directeur général d’Aviva France.

« Ce serait forcément un plus par rapport à l’offre existante », estime Bernard Le Bras, président du directoire de Suravenir, la filiale d’assurance du Crédit Mutuel Arkéa. Celui-ci souligne cependant que les unités de compte, qui attirent davantage de Français aujourd’hui, « sont déjà une solution existante pour atteindre ces objectifs de financement des entreprises ».

Pour un autre assureur cependant, « le meilleur moyen de changer les choses serait d’assouplir certaines règles de Solvabilité II ».

Pourquoi les rendements des fonds euros sont toujours très disparates
CETTE ANNÉE ENCORE, LES ASSOCIATIONS D’ÉPARGNANTS ET DES ASSUREURS MUTUALISTES VONT SERVIR SUR LEURS FONDS EUROS DES RENDEMENTS SUPÉRIEURS À LA MOYENNE DU MARCHÉ.
Le traditionnel bal des rendements 2017 de l’assurance-vie bat son plein. Toujours considéré comme un bon point de repère, l’Afer, la principale association d’épargnants française, a annoncé mardi un taux de 2,40 % pour son fonds général, soit une baisse de 25 points de base par rapport au taux servi au titre de 2016.

Mais ce niveau devrait le situer une nouvelle fois dans le haut du panier.

Le taux moyen du marché devrait en effet tomber à 1,48 %
(selon les prévisions de Good Value for Money), alors qu’il atteignait l’année dernière entre 1,80 % (selon la Fédération française de l’assurance) et 1,93 % (d’après l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ACPR).
Comme toujours, ce sont les associations d’épargnants (2,65 % pour Gaipare) et les opérateurs mutualistes (2,50 % pour la MIF, 2,10 % pour la GMF, 2,05 % pour la Maif, de 2,70 à 2,80 % pour Monceau Assurances, par exemple) qui devraient afficher les performances les plus élevées parmi tous les fonds euros. Et les explications ne manquent pas.

« La qualité de gestion de notre partenaire [Allianz, NDLR] explique ces résultats », souligne ainsi Jean Berthon, le président de Gaipare. Les associations d’épargnants défendent, bien sûr, ardemment les intérêts de leurs adhérents. L’Afer est notamment réputée pour être très exigeante vis-à-vis d’Aviva France, l’assureur historique de son contrat. Elle a, en outre, longtemps choisi de fonctionner sans provision pour participation aux bénéfices – une réserve qui permet de lisser les rendements dans le temps – afin de tout redistribuer à ses adhérents.

Les bancassureurs les moins généreux
« Notre modèle sans intermédiaire nous permet de servir durablement un taux au-dessus du marché », commente de son côté Olivier Sentis, le directeur général de la MIF.

A l’autre extrémité du spectre, les bancassureurs, avec l’inertie liée à leurs énormes encours, devraient de nouveau se montrer les moins généreux, tout particulièrement vis-à-vis des détenteurs de vieux et gros contrats fermés à la commercialisation. Pour l’instant, seul Sogécap (Société Générale) a communiqué sur le sujet, annonçant une stabilisation du taux de rendement moyen servi à ses clients, à 1,76 %, contre 1,74 % l’année précédente. Au titre de 2016, l’ensemble des bancassureurs avaient, d’après l’ACPR, servi en moyenne un taux de 1,73%, qui, du fait de leur part prédominante dans l’assurance-vie, avait tiré la moyenne du marché vers le bas.

Quel que soit le taux servi, tous les opérateurs du marché prennent bien soin, cette année encore, de communiquer sur le renforcement de leurs réserves. Une manière de donner des gages à

leur superviseur, qui pousse à la modération dans la fixation des taux de rendement
. La provision pour participation aux bénéfices atteint aujourd’hui des niveaux très élevés chez certains : plus de 5 % des encours chez MMA Vie, plus de 6 % chez GMF Vie ou 5 % des encours en euros chez Sogécap.
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