Enfin ! Après presque deux ans et demi de négociations, l’Europe se dote du nouveau cadre qui doit remettre de la transparence dans les marchés financiers. Les eurodéputés et les Etats membres ont arraché dans la nuit de mardi à mercredi un accord sur la directive MIF 2, conçu comme une sorte de code général boursier pour le Vieux Continent. L’enjeu était de corriger les effets pervers du premier texte MIF, qui avaient accru les zones d’ombre du trading.« L’énorme complexité des problèmes traités explique qu’il ait fallu beaucoup de temps pour aboutir », souligne un diplomate. Le compromis était d’autant plus difficile à trouver que les trois grands – France, Grande-Bretagne et Allemagne – ont pu avoir des positions antagonistes. « Il y a une constante depuis le début de la crise : Paris pousse fort pour une régulation des marchés, et freine pour celle des banques, tandis que Londres fait l’exact inverse. Les négociations sur MIF 2 ont confirmé cet adage », note un bon connaisseur des discussions. Au terme de ce grand marchandage, les ambitions sont-elles au rendez-vous ? Tous les acteurs de la négociation l’assurent, même si l’industrie peste contre une complexité accrue. « Mais il y a encore plusieurs détails importants qui seront réglés plus tard à un niveau technique », prévient une source européenne. Revue des principales nouveautés.

L’Europe voulait en finir avec la prolifération des échanges hors marché, dans l’opacité la plus totale. C’est la raison d’être des nouvelles plates-formes qui vont être créées – les OTF (organized trading facilities). Moins réglementées que les autres plates-formes d’échange, elles sont censées constituer une alternative au marché de gré à gré. Seuls les obligations et les dérivés y seront négociés, pour éviter que les actions échangées aujourd’hui sur des marchés régulés y basculent. Obligations et dérivés devront être traités en chambre de compensation. Une des grandes batailles de la négociation a été de savoir s’il fallait dissocier choix de la chambre de compensation et choix de la plate-forme d’échange. Une possibilité fortement combattue par l’Allemagne et son champion Deutsche Börse, organisé en silo. Finalement MIF 2 autorise cette libéralisation, mais avec une période de transition de cinq ans. Dernier point emblématique, les « dark pools », où les acteurs peuvent négocier des blocs de titres en toute discrétion : la législation européenne freine leur expansion, au grand dam de la City, en imposant un plafond. Ainsi le trading anonyme sur une action donnée sera limité à 8 % du montant total traité sur elle dans l’ensemble de l’UE.

Ces superautomates qui envoient des milliers d’ordres en moins d’une seconde vont voir leur liberté encadrée. Le texte prévoit la mise en place d’un régime de « pas de cotation », afin de réduire la volatilité. Mais les détails de cette mesure restent encore à préciser. Par ailleurs, les propositions les plus novatrices, comme l’imposition d’un délai d’une demi-seconde à l’investisseur qui passe un ordre avant de pouvoir l’annuler, ont été abandonnées.

De nombreuses ONG ont salué une mesure réclamée depuis longtemps : l’obligation d’une limite de position pour les traders sur les matières premières, afin de limiter la spéculation. Tous les dérivés de matières premières seront concernés, alors que Londres a cherché jusqu’au bout à exclure ceux assis sur le pétrole et le charbon.

Renaud Honoré
Bureau de Bruxelles