Outre ses nombreuses qualités, l’assurance-vie présentait jusqu’à présent l’avantage de ne pas pouvoir être saisie par le fisc. Une caractéristique appréciable pour les chefs d’entreprise, exposés aux vicissitudes de la vie économique. Ce privilège résultait de la nature juridique du contrat. «  La souscription d’un contrat d’assurance-vie, explique Philippe Baillot, directeur de BRED Banque Privée, crée pour le souscripteur le seul droit de demander sa résiliation. Elle génère donc simplement une créance conditionnelle sur l’assureur. »

En d’autres termes, c’est la compagnie d’assurances qui est propriétaire des fonds, et non l’épargnant qui ne dispose que d’un droit de résiliation. Un état de fait assez frustrant pour les créanciers, surtout pour l’administration fiscale qui a connaissance de ces contrats, via par exemple, la déclaration d’ISF, mais ne peut recouvrer par cette voie les sommes qui lui sont dues. Le fisc a tenté de franchir l’obstacle, mais il s’est systématiquement vu barrer la route par la Cour de cassation. L’administration elle-même avait d’ailleurs fini par prendre acte de cette jurisprudence.

La loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, publiée au « Journal officiel » du 7 décembre 2013, vient changer la donne et devrait permettre au fisc de mettre la main sur les sommes placées en assurance-vie. Elle prévoit en effet que les comptables chargés de recouvrer l’impôt pourront recourir à l’avis à tiers détenteur (l’assureur) pour saisir les sommes versées par un redevable souscripteur ou adhérent d’un contrat d’assurance-vie. Il faudra toutefois que ce contrat soit rachetable, c’est-à-dire que l’épargnant ait la liberté de retirer du contrat l’épargne constituée, ce qui n’est pas le cas par exemple pour un PERP.

Une première brèche avait été ouverte dans cette notion d’insaisissabilité du contrat, mais elle ne concernait que l’argent « criminel » et figure à l’article 706-155 du Code de procédure pénale. «  La nouvelle loi élargit cette brèche et va à l’encontre d’un principe juridique assez fort, estime Philippe Baillot. Il est fort probable qu’à la première tentative de saisie soit posée une question prioritaire de constitutionnalité. Il reviendrait alors au Conseil constitutionnel de se prononcer sur le fait que le principe européen de sécurité juridique, en particulier sur les modalités de privation d’un agent économique de sa propriété, soit remis en cause pour faciliter les recouvrements de créance de l’administration fiscale. »

Marie-Christine Sonkin, Les Echos