L’un rit, l’autre pleure. Alors que le Livret A a pulvérisé ses records de collecte nette en 2012, l’assurance-vie a, elle aussi, connu une année historique, mais pour d’autres raisons. Elle a terminé l’exercice dans le rouge avec des sorties d’argent supérieures aux cotisations encaissées, ce qui ne lui était jamais arrivé jusqu’ici. La collecte nette (versements moins rachats et prestations décès) a été négative de 3,4 milliards d’euros, d’après les chiffres publiés hier par la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). En l’espace de deux ans, c’est une véritable lame de fond qui a soufflé sur la collecte nette, qui culminait encore à 51,1 milliards en 2010, avant de fondre en 2011 (+ 7,7 milliards). « C’est un revirement significatif, mais il faut le nuancer »,tempère Bernard Spitz, le président de la FFSA, en soulignant la progression continue des encours (+ 3 %, à 1.391 milliard) sous l’effet de la capitalisation des intérêts versés. La question est cependant posée : l’horizon est-il durablement bouché pour l’assurance-vie ?

S’il y a un mouvement qui inquiète bien les assureurs, c’est l’érosion de la collecte brute pour la deuxième année d’affilée. Après avoir déjà baissé de 14 % en 2011, elle s’est encore repliée de 8 % en 2012, à 114 milliards d’euros, retombant à des niveaux proches des années 2004-2005. Comme le rappelle Jean-François Lequoy, le délégué général de la FFSA, elle a souffert en particulier de « l’attrait des Français pour les placements liquides ». Le relèvement en octobre des plafonds du Livret A et du livret de développement durable – deux placements qui présentent l’avantage d’être entièrement défiscalisés – ont pesé lourd dans la balance. L’assurance-vie n’a ainsi plus représenté qu’un cinquième des flux des placements financiers en 2012, signale la FFSA. En janvier, elle devrait souffrir du deuxième rehaussement du plafond du Livret A. La FFSA indique s’attendre à une collecte nette nulle sur ce mois. Ensuite, l’étau devrait se desserrer avec la baisse du taux du Livret A à 1,75 % à compter du 1 er février contre 2,25 % actuellement. Mais la conjoncture morose ne ramènera pas les records de collecte d’avant-crise.

Les prestations versées aux épargnants se sont maintenues à un niveau élevé l’an dernier, à 117,6 milliards d’euros, contre 116,4 milliards en 2011. «  Il y a un effet de vieillissement des portefeuilles qui s’amplifie chaque année », explique Jean-François Lequoy. Ainsi, d’après l’Insee, 64 % des encours ont déjà dépassé l’horizon des huit ans, au-delà duquel il devient plus avantageux de débloquer son épargne. Résultat, de plus en plus de Français puisent dans leur assurance-vie pour compléter leur retraite ou faire face à un coup dur.

D’après les estimations de la FFSA, l’assurance-vie en euros ne devrait plus rapporter que 2,9 % en 2012, contre 3 % en 2011 et 4 % en 2008. Pour Jean-François Lequoy, « ses rendements restent cependant attractifs », si on les compare au livret d’épargne populaire, au Livret A, au LDD ou à l’épargne logement (PEL, CEL). N’empêche, ils sont sur une pente glissante depuis des années, ce qui n’est jamais bon dans l’esprit des épargnants. Les supports en unités de compte affichent, eux, des performances nettement plus élevées (12,5 % en 2012), mais n’arrivent toujours pas à percer auprès des ménages, plus rassurés par les contrats en euros. Pour attirer les épargnants, la FFSA plaide en faveur du développement des fonds en euros diversifiés. Contrairement aux contrats en euros, ces supports n’offrent la garantie du capital qu’à partir d’un certain horizon mais permettent en échange d’espérer une rentabilité plus élevée.

Comme n’a pas manqué de le rappeler hier la FFSA, l’incertitude qui a longtemps plané sur le sort de l’assurance-vie l’an dernier – et qui a été finalement levée à l’automne par Pierre Moscovici, le ministre de l’Economie – a entraîné l’attentisme des épargnants. « Il faut donner la priorité à la stabilité, c’est elle qui crée la confiance », martèle Bernard Spitz, Comme toujours, les assureurs ne manquent pas de rappeler leur rôle de soutien de l’économie, avec notamment 470 milliards d’euros investis dans les entreprises en France. Seront-ils entendus ? Le rapport des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre sur l’épargne longue est attendu pour février.