La perte du triple A par la France aura-t-elle un impact pour les assureurs français ?

Une agence de notation place la France en AA+ tandis que les autres maintiennent son AAA. La réglementation des assurances en vigueur ne fait pas appel à la notation, cela est donc sans conséquence sur les ratios réglementaires des entreprises d’assurance. La notation est un avis fourni aux investisseurs sur la capacité de remboursement des émetteurs. En l’occurrence, je ne doute pas que pour les assureurs français l’OAT doive rester la colonne vertébrale des portefeuilles des fonds d’assurance-vie en euros. Que peut-on trouver de plus sûr ? Plus largement, les assureurs doivent rester investis dans les dettes souveraines de la zone euro. Vu le contexte actuel, l’essentiel est qu’ils mènent plus que jamais une politique d’investissement et de gestion actif-passif prudente. La « règle d’or », c’est la diversification.

Comment les assureurs devront-ils comptabiliser leurs titres d’Etat grecs dans les comptes 2011 ?

Les sociétés d’assurances devront déprécier leur dette grecque, ainsi que les actions, les obligations (indexées ou non amortissables), les participations dont la valeur a durablement baissé ces derniers mois. Les comptes sociaux devront refléter ces pertes de valeur. Il n’y a aucune raison, en revanche, de déprécier les autres titres souverains de la zone euro.

Les trois mois de décollecte du marché français de l’assurance-vie fin 2011 vous inquiètent-ils ?

Nous sommes clairement au début d’une réorientation de l’épargne des Français, notamment parce que les ratios prudentiels poussent les banques à faire plus d’épargne bilancielle. C’est un mouvement structurel mais progressif. Et l’assurance-vie aura toujours sa place comme investissement de long terme avec sa garantie en capital sur les fonds en euros.

S’il se poursuit, ce phénomène pourrait cependant être gênant pour les assureurs…

L’équilibre d’exploitation des compagnies qui font majoritairement de l’épargne devra évidemment être surveillé de plus près car les frais d’entrée et les chargements sur encours ne progresseront plus. Il faut aussi que les assureurs-vie veillent à conserver une part suffisante d’actifs à court terme pour pouvoir faire face aux rachats effectués par les épargnants.

En octobre, vous aviez écrit aux assureurs-vie pour leur demander d’être raisonnables en matière de rémunération des contrats en euros. Est-ce le cas ?

Le taux de rendement moyen servi au titre de 2010 était de 3,40 %. Pour 2011, il devrait être autour de 3 %. Je pense que nous avons été entendus, mais dans l’ensemble, on pourrait encore mieux faire. Il est évident que des taux élevés permettent de retenir les assurés, mais cela fait courir un risque pour l’avenir. Quand ils sont exagérément élevés, ils peuvent avoir été financés de manière exagérément risquée. Nous appelons donc les compagnies à faire preuve d’un grand sens des responsabilités. Le taux de revalorisation doit tenir compte du taux de rendement réel des actifs. Il faut également éviter de s’engager sur des taux garantis pour 2012 qui ne refléteraient pas la rentabilité raisonnablement prévisible des fonds en euros.

Au-delà de l’assurance-vie, comment le secteur traverse-t-il la crise ?

Il est solide. Si, au niveau mondial, 2011 a été dominée par les grandes catastrophes naturelles, la France a été relativement épargnée, à l’exception des inondations dans le Sud-Est. Les métiers des assurances de biens bénéficient d’une bonne dynamique et leurs résultats devraient s’améliorer. En assurance-santé, les acteurs ont bien conscience de l’impact des mesures gouvernementales (doublement de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, NDLR) sur leurs équilibres et sur leur tarification.

Le risque d’une faillite de Groupama est-il complètement écarté ?

Nous avons l’habitude de ne jamais commenter un dossier individuel, mais nous pouvons vous assurer que l’ACP a joué pleinement son rôle. De manière générale, nous effectuons un travail de surveillance rapprochée, sur pièces et sur place. Nous surveillons les différents ratios prudentiels des entreprises, avec une attention particulière sur la souscription et la tarification qui doivent être de qualité, sur le contrôle des risques, la politique de placement et des comptes justement établis. Au final, dans une compagnie d’assurances, le plus important, c’est surtout d’avoir un provisionnement prudent des risques et une gouvernance qui fonctionne.

Propos recueillis par Laurent Thévenin et François Vidal, Les Echos