LAURENT THÉVENIN

LES « CAT NAT » ONT CAUSÉ 175 MILLIARDS DE DOLLARS DE DÉGÂTS EN 2016, SELON MUNICH RÉ. MOINS DE 30 % DE CES PERTES ÉTAIENT ASSURÉES.
Le coût des catastrophes naturelles est reparti à la hausse en 2016. Selon des estimations publiées mercredi par le géant allemand de la réassurance, Munich Ré, les 750 événements répertoriés l’an dernier ont causé au total pour 175 milliards de dollars (168 milliards d’euros) de dégâts. C’est nettement plus qu’en 2015 (103 milliards de dollars). Il faut remonter à 2012 pour trouver un tel montant (180 milliards de dollars). « Après trois années relativement épargnées par les catastrophes naturelles, les chiffres de 2016 marquent un retour vers des niveaux moyens », a commenté Torsten Jeworrek, membre du directoire de Munich Ré.

Une fois encore, l’écart entre les dommages économiques totaux et la charge pour les assureurs et leurs réassureurs – connu sous le terme de « protection gap » – est abyssal. Ainsi, 71 % des dommages occasionnés par les « cat nat » en 2016 n’étaient pas assurés. Autrement dit, le coût pour les assureurs s’élève à « seulement » 50 milliards de dollars. « Le pourcentage élevé de pertes non assurées, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement, reste un sujet de préoccupation. […] Avec sa connaissance des risques, l’industrie de l’assurance serait capable de porter une part plus grande de tels risques imprévisibles », affirme Torsten Jeworrek. Sur la période 2006-2015, la part des pertes non assurées s’est élevée à 29 % en moyenne par an.

Un défi « global et croissant »
Ce déficit de protection est évidemment patent dans les pays émergents. Dans une interview publiée en novembre sur le site Internet de Munich Ré, Joaquim Levy, directeur général et directeur financier du Groupe de la Banque mondiale, soulignait ainsi que le taux de pénétration de l’assurance contre le risque de catastrophe naturelle était « inférieur à 5 % dans la plupart des pays en développement ». En Chine, par exemple, sur les 20 milliards de dollars de dégâts causés par les inondations de juin et juillet 2016, à peine 2 % étaient assurés.

Mais le phénomène est beaucoup plus large et touche aussi les pays développés. Quand il avait présenté sa première estimation du coût des catastrophes en 2016, le réassureur Swiss Re avait rappelé qu’en Italie 1 % seulement des habitations sont couvertes contre le risque de tremblement de terre (« Les Echos » du 16 décembre 2016). Moins de 20 % des dommages causés par les deux tremblements de terre au Japon en avril – la catastrophe la plus coûteuse de l’année 2016 avec 31 milliards de dollars de dégâts – sont restés à la charge des (ré)assureurs.

La sous-assurance des risques dommages représente un défi « global et croissant », avait souligné Swiss Re dans une étude en 2015. Les assureurs appellent régulièrement à une plus grande prise de conscience, à des cadres permettant de bien faire fonctionner les marchés de l’assurance ainsi qu’à la nécessité d’une plus grande coopération entre les pouvoirs publics et les acteurs privés. Parmi les initiatives citées en exemple, les pays d’Amérique centrale et des Caraïbes se sont couverts contre le risque d’ouragans et de tremblements de terre à travers le Caribbean Catastrophe Risk Insurance Facility. En Afrique, l’Africa Risk Capacity a permis à plusieurs pays de s’assurer contre le risque de sécheresse.
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